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Questions Phyto

Les plantes tinctoriales, un savoir traditionnel à préserver

Les plantes tinctoriales, un savoir traditionnel à préserver

Depuis le XIXe siècle, les progrès de la chimie ont permis le développement massif des fibres de synthèse et des colorants artificiels. Si bien que le quidam a oublié que les plantes sont à l’origine des couleurs du passé. Selon les découvertes des archéologues en Egypte, les bandelettes des momies datant de -2500 étaient déjà teintent en jaunes grâce au Carthame des teinturiers. 

En Europe, c’est au Moyen-Âge que la culture des plantes tinctoriales est devenue une industrie au service de la noblesse et des arts. La couleur fonctionne alors comme un marqueur social, à l’instar du fameux “bleu roi” réservé au souverain. Si étonnant que cela puisse paraître, une couleur issue d’une plante fraîche ou sèche n’est pas liée à la teinte de sa fleur. 

A titre d’exemple, un oignon, qu’il soit blanc ou rouge, donnera toujours un jaune vif ou ocre selon la longueur du trempage. Ce sont en réalité les principes actifs contenus dans chaque végétal qui déterminent un ton particulier, tels que les flavonoïdes présents dans l’Achillée millefeuille pour le vert, les caroténoïdes de la peau d’oignon pour le jaune, les anthocyanes des myrtilles pour le mauve ou encore les anthraquinones présents dans l’aubier de la racine de Garance pour le rouge. 

Si certaines colorations demandent plusieurs processus de transformation, d’autres sont simples à réaliser. Il vous suffit d’avoir une cuisine, des casseroles (de préférences en céramique), des passoires en plastiques et des ustensiles en bois pour ne pas induire de réaction chimique avec le métal. Certains d’entre vous ont peut-être déjà essayé de faire bouillir leur tissu dans un bain de plantes préalablement filtré ? L’intuition était bonne mais au premier lavage, stupeur ! La couleur disparaît. C’est qu’il manque une étape : celle du mordançage. Comme son nom l’indique, c’est une étape intermédiaire qui permet de préparer le tissu afin que la couleur “morde” les fibres animales ou végétales. Votre vêtement doit donc passer par un premier bain d’eau et de “mordant”, à savoir l’alun, la crème de tartre ou la galle de chêne, dans des proportions variables selon le poids de votre tissu. Ensuite seulement, votre bain de plantes bouilli et filtré redonner une nouvelle vie à votre vieux T-shirt délavé.

Mais certaines couleurs sont très complexes à obtenir. C’est le cas du bleu pastel (Isatis tinctoria, Brassicaceae)  réalisé à froid, après un long processus de fermentation de la plante au soleil pour qu’elle révèle tout son potentiel tinctorial. 

Les traces de ce savoir traditionnel peuvent encore se retrouver grâce au travail de conservation des professionnels, comme le conservatoire des plantes tinctoriales du Lubéron, mais aussi par la curiosité des amateurs. Nombreuses sont les plantes tinctoriales qui poussent peut-être dans votre jardin : Garance des teinturiers (Rubia tinctorium, Rubiaceae), Plantain (Plantago lanceolata, Plantaginaceae), Carotte sauvage (Daucus carota, Apiaceae) ou encore l’Ortie (Urtica Dioica, Urticaceae).

Creusez l’idée, trouvez le bon matériel et essayez ! Face à la toxicité et à la pollution générée par les teintures à base de produits dérivés du pétrole, la revalorisation des ressources renouvelables et des procédés non polluants nous offre une belle alternative. 

Aurélie Marques, Journaliste & Réalisatrice pour l’Herboristerie du Palais Royal-Paris

(illustration & DIY : Instagram @jelapower)

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